Pour démarrer la nouvelle année sur ce blog, j’avais envie de partager une de mes récentes lectures : on m’a offert pendant les fêtes un petit ouvrage, intitulé « Comme par magie », écrit par la romancière américaine Elisabeth Gilbert, auteure du célèbre best-seller « Mange, prie, aime » … Je l’ai dévoré en quelques jours : à mi-chemin entre un récit autobiographique sur les chemins qui la mène à sa propre créativité et un ouvrage de développement personnel, Elisabeth Gilbert nous présente des clefs pour accéder à une existence créative, que nous souhaitions écrire un livre, nous remettre au dessin, à la musique, faire de la mosaïque, relever de nouveaux défis professionnels, ou simplement insuffler un peu plus de passion dans notre quotidien. De quoi nous inspirer en ce début d’année au moment où nous formulons peut-être de bonnes résolutions pour 2020… Alors prêts à (ré)apprivoiser votre créativité ?
La définition de la créativité selon Elisabeth Gilbert, c’est la relation entre un être humain et le mystère de l’inspiration. Et pour commencer, nous sommes tous, selon elle, dépositaires de trésors cachés : elle nous propose de nous lancer dans cette quête, de vivre notre existence créative en découvrant nos pépites et en cessant d’être de simples consommateurs, obligés par nos devoirs professionnels et domestiques, pour faire vraiment quelque chose de nous-mêmes.
Avoir le courage d’écouter nos idées
Nous avons de très nombreuses raisons de ne pas vouloir nous lancer dans une existence créative : peur de ne pas avoir de talent, peur d’être rejeté, critiqué, ignoré, peur de ne pas avoir la discipline nécessaire, peur que d’autres aient déjà fait la même chose en mieux, … Et parce que la peur est un instinct ancestral pour nous protéger des dangers, elle fera toujours son apparition au moment d’être inventif et novateur. L’auteur nous invite alors à lui faire de la place ; respecter sa peur, en être conscient ne signifie pas lui laisser les commandes ou écouter ses suggestions. Se mettre en quête de ses trésors cachés, les révéler au grand jour, demande du courage, mais même si ce n’est pas confortable d’emmener sa peur avec soi, le voyage en terre créative en vaut la peine …
Selon Elisabeth Gilbert, la créativité recèle une grande magie : les idées seraient mues par une pulsion unique, celle de se révéler, en collaborant avec un esprit humain … Je sais, vous vous dites surement que cet ouvrage n’est pas pour vous et que vous allez même arrêter là, la lecture de ce billet… peut-être que ce sont les images les plus mystiques de cet ouvrage et pourtant, le concept selon lequel les idées tentent d’attirer notre attention, et que selon notre niveau de disponibilité et de réceptivité, elles nous enverront des signes de plus en plus forts, des coïncidences, des signaux pour nous inviter à leur prêter attention, ce concept est tout de même très parlant… Ne vous est-il jamais arrivé une idée, sous la douche, pendant notre sommeil ou encore sur la route en conduisant, et de croiser ensuite dans la journée ou les jours qui suivent des tas de petits signes qui vous invitent à la suivre… ? Bref, selon Elisabeth Gilbert, nous pouvons rejeter cette invitation créative par peur, paresse ou juste parce que ce n’est pas le bon moment pour nous et que nous sommes occupés par un autre projet créatif. Mais nous pouvons au contraire lui dire oui, l’accueillir comme signer un contrat avec l’inspiration créative. Cela implique d’aller au bout de son idée, jusqu’à un résultat qui au départ est difficile à prévoir… Mais attention, selon l’auteure, ce contrat ne doit pas se transformer en « contrat de souffrance créative » : nul n’est tenu de créer dans la douleur ! L’auteure nous propose au contraire une autre voie, celle qui consiste à coopérer avec l’inspiration joyeusement et humblement : se satisfaire de nos créations, et même si le projet n’a pas pris la tournure souhaitée quand l’idée est venue, se dire que c’était une expérience constructive … L’auteure nous rappelle que l’inspiration peut aussi nous quitter sans prévenir, au milieu d’un projet, et que dans ce cas, rien ne sert de se torturer, tourner la page, passer à autre chose, éveiller sa curiosité à d’autres projets, permet de garder l’œil ouvert à d’autres idées … Elisabeth Gilbert voit les idées comme des êtres vivants capables de passer d’une âme à l’autre pour trouver la personne à même et disponible pour les révéler : aussi si l’inspiration nous quitte parfois, c’est qu’elle estime que nous ne sommes pas à ce moment-là suffisamment disposés pour le projet, et elle ira chercher une autre personne pour le réaliser. Ce qui expliquerait que parfois vous vous dites : telle personne a créé l’entreprise que je voulais créer, écrit le billet que je voulais écrire, mis en place le processus auquel j’avais pensé …
Se laisser prendre par l’enchantement…
Le mystère de l’inspiration est aussi responsable de ces moments de flow, terme qui désigne en psychologique positive l’état mental atteint par une personne lorsqu'elle est complètement plongée dans une activité et qu'elle se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction dans son accomplissement. Elisabeth Gilbert nous rappelle aussi que pendant longtemps, dans l’Antiquité, les hommes croyaient à un esprit divin de la créativité, un génie extérieur inspirant l’artiste. Par la suite, à partir de la Renaissance, ces croyances se sont estompées, faisant peser sur les artistes eux-mêmes la responsabilité des caprices de la création. Et que dire du fait de s’être retrouvé un jour au sommet, au top, avec un projet créatif qui peut-être ne se reproduira plus jamais ? Faut-il pour autant abandonner la créativité sous prétexte qu’aucune inspiration ne nous emmènera plus jamais aussi haut ? Elisabeth Gilbert nous invite au contraire à une forme de lâcher-prise, à un laisser-faire l’inspiration tout en restant appliqué dans son travail. La régularité dans l’ouvrage est importante, pour l’auteure, que l’on soit ou non « touché par la grâce » à ce moment-là.
Les humains sont une espèce créative : la plus ancienne trace d’art remonte à plus de quarante mille ans bien avant les premiers vestiges de l’agriculture. Et la diversité de l’expression créative humaine est fantastique selon Elisabeth Gilbert : l’humain fabrique des choses parce qu’il aime le faire, il recherche ce qui est nouveau parce qu’il aime cela. Vous voulez devenir quelqu’un de créatif ? Bonne nouvelle, vous l’êtes déjà ! La créativité est caractéristique de notre espèce, car nous possédons tout ce qu’il faut pour : nos cinq sens, notre curiosité naturelle, les pouces opposables, le langage, notre enthousiasme ou encore ce que l’auteure appelle notre connexion avec le divin, que j’appellerai modestement notre instinct mystique. Nous sommes donc tous des créatifs nés ! Et nous avons donc tous le droit, la permission, d’exprimer cette créativité… Selon Elisabeth Gilbert, il y a de la place pour tout le monde ! Et c’est plus notre égocentrisme, nos doutes, le jugement que nous portons sur nous-mêmes qui nous empêchent de mener cette existence créative. Elle nous invite à déclarer notre intention : je suis un photographe, une actrice, un danseur, une peintre, un jardinier, une bricoleuse,… ou même je ne sais pas encore ce que je suis, mais j’ai la curieuse envie de le découvrir. Et même si nous craignons que nos idées soient banales ou aient déjà été prises par d’autres, Elisabeth Gilbert nous invite à écouter notre instinct créatif : c’est parce que nos projets créatifs émanent de nous qu’ils sont beaux, parce qu’ils sont authentiques qu’ils paraissent originaux. Ils n’ont pas besoin non plus d’être importants, tout est permis, quelles que soient les raisons qui nous poussent à créer, elles se suffisent à elles-mêmes selon l’auteur.
S’accorder la permission de créer…
Mener une existence créative c’est aussi être prêt à prendre des risques, selon Elisabeth Gilbert : évidemment qu’il est difficile de créer, mais en nous lamentant sur l’absence d’inspiration ou sur les difficultés à produire, nous faisons justement fuir l’inspiration… alors qu’apprécier son travail, y mettre tout son cœur, est la seule vraie façon d’encourager sa créativité. Et cessons de nous préoccuper de ce qui est du grand art ou de l’art ordinaire, de nous intéresser aux cases dans lesquelles les autres nous enferment, continuons simplement à faire ce qui nous plait ! Un peu comme John Lennon disait « on n’était rien de plus qu’un groupe ! » Même si l’on croit comme Elisabeth Gilbert que l’instinct artistique a des origines divines, se rappeler que la créativité est justement à l’opposé de ce qui est vital pour nous (nourriture, sécurité, etc.) nous permet justement d’en dédramatiser l’enjeu (mis à part bien sûr si vous vivez sous un régime dictatorial où l’art peut revêtir un enjeu politique). Elisabeth Gilbert nous rappelle que les enfants ont une totale liberté d’expression créative, sans compétition, sans jugement, sans enjeu. Notre créativité ne peut servir qu’à décorer notre salon, à enchanter notre esprit, alors détendons-nous … et pratiquons simplement, pour ne pas perdre contact avec notre créativité y compris quand la Grande inspiration n’est pas au rendez-vous.
En pratiquant, nous nous améliorons aussi, et ce, quel que soit notre âge. Et nous finissons aussi par reconnaître les états émotionnels de la créativité : ainsi les moments de frustration où l’inspiration est en berne font aussi partie pleinement du processus créatif : persister, tenir le coup aussi dans les phases creuses, c’est là qu’est le travail créatif. Selon Elisabeth Gilbert, l’existence créative est possible pour tous, cela ne veut pas dire qu’elle est facile pour autant. Et le défi le plus important reste sans doute celui du temps : l’auteure nous enjoint à trouver des moments de tête à tête avec notre créativité, un peu comme si on entretenait avec elle, une relation amoureuse, des rendez-vous qui exciteraient notre passion et entretiendraient la flamme. Le manque de temps est souvent associé à la paresse, celle d’un vieux couple artiste/créativité. L’autre fléau, c’est le perfectionnisme : il empêche de finir son travail, voire même de le commencer ! La perfection n’est qu’un mythe, un fantasme, et Elisabeth Gilbert nous convie à écouter la sagesse philosophique de Marc-Aurele qui écrivait dans ses Pensées pour [lui]-même « ce n’est pas grave de ne pas égaler Platon ». Ou encore comme le dit la sagesse populaire : « le mieux est l’ennemi du bien » et arriver au bout de quelque chose est déjà très honorable !
Faire confiance à sa créativité
L’auteure nous invite donc à expérimenter la créativité, à nous lancer : chacun est bien trop préoccupé par son petit drame personnel pour s’inquiéter des créations des autres, alors soyons l’artiste que nous voulons. Quant au succès, il tient à 3 facteurs selon Elisabeth Gilbert : talent, chance et discipline. L’acharnement sur son travail ne le garantit absolument pas. Alors autant faire ce que l’on aime faire et le faire avec sérieux mais légèreté ! En abordant son travail avec joie, on en fait forcément un intéressant cabinet de curiosité et on échappe au syndrome de l’artiste tourmenté : ce n’est pas une fatalité liée à la créativité, explique Elisabeth Gilbert, il est aussi possible d’avoir confiance dans cette force invisible qui nous envoie des idées et nous engage à les mettre en œuvre, au sens littéral du terme.
Un autre piège de la créativité est de croire que nos réalisations sont nos enfants, ce qui nous empêche de les laisser partir librement dans le monde et nous rend intolérants à la moindre critique. Au contraire, nous dit Elisabeth Gilbert, c’est nous qui sommes les enfants de nos œuvres, nous grandissons avec elles.
L’orgueil comme la passion peuvent aussi nous jouer des tours car ils portent en eux des enjeux trop importants pour nous. A l’inverse, écouter sa curiosité et se poser simplement la question « y-a-t’il quelque chose qui m’intéresse dans ce projet ? » permet de tirer un fil et de voir où il emmène... Une approche qui permet d’aborder aussi les échecs avec plus de légèreté car prendre des risques créatifs entraine forcément des déconvenues qui vont venir titiller votre ego en mal de reconnaissance et de gratification. « Ne laissez pas votre ego diriger la boutique, sinon il va la fermer ! » nous encourage l’auteure, tout en nous rappelant qu’après une déception, mieux vaut rester indulgent avec nous-mêmes, parce que nous sommes tous des débutants, et passer vite à la suite en nous occupant : le mouvement attirera l’inspiration et nous évitera de sombrer dans l’inertie post-déception.
En fait, quelque soit le résultat de nos créations, nous sommes méritants, alors partageons-les ! C’est l’ultime geste de confiance dans la créativité. Et nous demander : « pourquoi se donner le mal de créer quelque chose si le résultat risque d’être… rien ? » Et bien tout simplement, parce que c’est amusant non ?
J’ai beaucoup aimé ce livre car il nous invite vraiment à explorer notre dimension créative sans pression, ni de résultat, ni de qualité, mais juste à écouter un peu plus les idées qui nous viennent, les inspirations du moment et à oser leur faire une place dans notre vie quotidienne… A une époque où nous sommes tous rivés sur nos écrans et où nos vies sont plus souvent virtuelles que réelles, réapprivoiser sa créativité, refaire quelque chose de ces mains, reprendre contact avec le réel, même sans autre ambition que celle-là, me semble une démarche saine et pleine de sens.
Personnellement, j’ai eu la chance de découvrir la facilitation graphique en 2018 et de développer depuis l’année dernière cette activité qui redonne à ma vie de consultante une part de créativité que j’avais peut-être négligé jusque-là…
Et vous ? Quel sera votre projet créatif pour 2020 ?
par Gaëlle Roudaut