Parmi les nombreuses études qui sortent chaque mois, réalisées par les acteurs du conseil, de la communication et des RH, celles de l’agence de marketing RH, Parlons RH, a particulièrement attiré mon attention. Consacrée à l’ « expérience collaborateur », cette enquête publiée le mois dernier a rassemblé les réponses de plus de 1000 professionnels de la fonction RH. Alors que recouvre cette notion d’expérience collaborateur ? comment les RH se sont-ils emparés de ce sujet ? Que retenir de cette étude et quelles sont les questions qu’elle pose... Décryptage.
Tout d’abord, commençons par définir ce qu’est l’expérience collaborateur. L’agence Parlons RH nous propose la définition suivante : « L’expérience collaborateur désigne le ressenti global du collaborateur vis-à-vis de son expérience au sein de l’entreprise, depuis son recrutement jusqu’à son départ en passant par son quotidien et sa trajectoire dans l’organisation ». Sans présenter de définition « scientifique » aux répondants pour ne pas déformer leurs réponses, l’étude les invitait en guise d’introduction à préciser tout de suite leur niveau de connaissance de l’expérience collaborateur. Les répondants sont 69% à exprimer leur connaissance du sujet.
L’agence Parlons RH reconnaît que ce premier chiffre est sans doute biaisé par l’intérêt des répondants pour le sujet (expliquant également un nombre de répondants important issus de la communauté RH).
Pour poursuivre, les répondants étaient invités à répondre à 3 questions complémentaires sur les finalités de l’expérience collaborateur : l’une sur les invitant à qualifier ce concept comme une tendance de fond ou un effet de mode est sans appel : les professionnels des RH voient ce sujet comme une tendance de fond. Par ailleurs, à la question suivante, ils sont 71% à trouver ce sujet stratégique pour l’entreprise car engageant à long terme la performance de l’organisation. Ainsi, ils restent cohérents quand, à 66%, ils défendent que l’expérience collaborateur a pour principal objectif d’améliorer la performance globale de l’organisation. Ils voient ensuite l’amélioration de la qualité de vie au travail ou encore de l’attractivité comme objectif (pour respectivement 52% et 39% des répondants).
On pourrait déplorer que 35% seulement des répondants identifient l’amélioration de la qualité de service aux clients comme un objectif de l’expérience collaborateur : en effet, un ressenti positif dans l’expérience de l’entreprise au quotidien aura forcément une incidence sur la prise en charge et le service rendu au client final.
A la question qui concerne la responsabilité du sujet dans l’entreprise, les répondants sont unanimes : c’est le rôle de la DRH. C’est à la fois une réponse cohérente avec la nature de l’échantillon répondant bien sûr mais qui peut montrer l’envie aussi des acteurs RH de se positionner sur ce sujet qu’ils considèrent comme stratégique pour l’entreprise. Là aussi, en creux, on peut lire une vision un peu « silotée » de l’organisation, qui ferait de l’expérience collaborateur, une prérogative de la DRH, tandis qu’au contraire, cette expérience relève de la vie de salarié au sens large et pas uniquement dans ces moments de contact avec les RH, et devrait ainsi infuser dans toute l’organisation.
Ainsi, que dire du rôle de la DSI, que ce soit dans le matériel octroyé, dans la performance des réseaux, dans l’interface de la « digitalworkplace » ou encore du niveau de service de la hotline informatique ? que dire du rôle de la communication interne dans l’accompagnement des changements, l’apport de sens et de pédagogie autour de la stratégie de l’entreprise ? que dire du rôle des services logistiques et moyens généraux dont le métier contribue au quotidien à la fluidité de l’expérience collaborateur : de la distribution du courrier en passant par la mise à disposition des fournitures, etc. Sortir d’une vision RH-centric me semble urgent pour faire de l’expérience collaborateur un projet collectif, qui relève de la responsabilité de tous dans l’entreprise.
S’exprimant ensuite sur l’apport de l’expérience collaborateur pour la fonction RH, les répondants soulignent à 39% le recentrage sur le collaborateur -symptôme de la dimension humaine et sujet premier des RH- et à 31% le renforcement de la fonction stratégique des RH.
A la lecture de ces chiffres (et cela n’engage que moi !), je me suis demandée si certains professionnels de la fonction RH ne voyaient pas dans cette notion d’expérience collaborateur une occasion repositionner leur rôle dans l’organisation, ce qui explique notamment qu’ils s’arrogent la responsabilité du sujet et lui attribuent un enjeu stratégique. En ont-ils pour autant appréhendé les leviers d'action ?
Dans le sens de ce questionnement, la suite de l’étude est tout aussi intéressante. Parlons RH demandait à ses répondants pour quelle catégorie de salariés devait prioritairement être améliorée l’expérience collaborateur. Là encore, les répondants sont quasiment unanimes et répondent à 69% que l’expérience collaborateur doit être améliorée pour tous les salariés sans distinction. Comme si le corps social ne faisait qu’un, omettant les particularités propres à l’âge, au statut, au métier, à l’ancienneté, etc. Parlons RH invite au contraire les RH à avoir une approche plus segmentée du sujet, à l’image du parcours client en marketing. L’agence vante les mérites d’un « cascading dans la symétrie des attentions » : autrement dit, si l’objectif ultime est d’offrir une bonne expérience au client, il est nécessaire que le salarié reçoive la même expérience, attention, écoute, au sein de l’entreprise… et qui porte cela ? Les managers de proximité… Eux-mêmes pour en être les vecteurs doivent recevoir l’attention du top management, de la direction générale, de la DRH. Au final, l’expérience collaborateur commencerait par l’expérience des collaborateurs de la DRH, premiers vecteurs de l’attention vers le management et les salariés…
Les réponses des acteurs RH à la question suivante interrogent également : aux 3 activités RH prioritairement concernées par l’expérience collaborateur, ils répondent d’abord l’intégration (pour 58%), le management (52%), et le recrutement (42%) puis un ensemble de réponses relevant davantage du talent management. L’agence Parlons RH s’interroge de l’importance accordée par les répondants à la période d’intégration : certes, elle est cruciale dans le rapport que va avoir le jeune embauché avec l’entreprise aux premiers moments de sa carrière, mais ce n’est pas uniquement cette phase qui va garantir la pérennité de la relation ? Pour Parlons RH, l’expérience collaborateur irrigue l’ensemble des pratiques RH, car il s’agit avant tout d’une problématique culturelle. Ainsi même les activités plus techniciennes et administratives du domaine RH que sont la paie ou l’administration du personnel, faiblement notées par les répondants, peuvent avoir une importance non négligeable en termes d’expérience collaborateur : ce sont des critères veto selon Parlons RH, quand elles sont mal réalisées, elles nuisent fortement à l’expérience : équipe administrative peu joignable, erreurs de paie, problèmes avec la gestion des congés, …
Autre interrogation pour ma part : les répondants n’évoquent pas leur rôle dans la conduite du changement. En période de transformation et de mutations profondes dans les organisations, ce champ qui me semble-t-il fait également partie des prérogatives des RH, fait pleinement écho à l’expérience collaborateur : quand dans la tourmente des réorganisations, des transformations qu’elles soient digitales ou non, l’entreprise écoute, accompagne, forme, sensibilise, il me semble que cela participe de l’expérience collaborateur non ?
Enfin, dernier volant de questions qui soulève à nouveau des interrogations à la lecture des résultats : quand Parlons RH demande à ses répondants s’ils ont déployé d’ores et déjà une « politique » autour de l’expérience collaborateur, on peut s’attendre à un oui massif compte tenu des réponses précédentes et de l’importance qui semble être conférée au sujet… Et bien, c’est tout à fait l’inverse, puisque 73% des répondants déclarent ne pas avoir de politique en la matière (ou l’ignorent), et 8% envisagent un déploiement dans l’année !!
Un écart entre théorie et pratique qui est renforcé par les questions suivantes : 47% des répondants n’évaluent pas les perceptions qu’ont leurs collaborateurs de leur expérience au sein de l’entreprise. Difficile alors de savoir par quel bout prendre le sujet et quelle amélioration apporter ! Et lorsqu’ils indiquent évaluer cette expérience collaborateur, l’outil le plus souvent cité par 59% des répondants, c’est le baromètre de climat social…
Autrement dit une mesure encore faible dans les entreprises et avec un outil de mesure qui n’est pas forcément adapté !
Parlons RH fait le constat à la fin de son étude que les RH aurait beaucoup à apprendre des techniques du marketing pour non seulement segmenter les cibles et apporter des réponses spécifiques à leurs besoins, mais aussi pour piloter les actions qui sont déployées et mesurer leur niveau d’adaptation aux attentes de chaque cible.
La mesure de la perception est même sans doute un point de départ pour qui veut déployer un plan d’action sur l’expérience collaborateur : quels sont les sujets qui fâchent (ceux que certains nomment à juste titre « les irritants ») ? de qui dépendent ces sujets ? qui fâchent-ils davantage et pourquoi ? selon la fameuse loi de Pareto des 80-20, quelles sont, pour chaque population (managers, jeunes arrivants, plus anciens, etc.) les petites améliorations qui rendraient un grand service au quotidien : les fameuses « quick wins »... ?
A mon sens, la lecture de cette étude devrait encourager les RH à identifier ces leviers et apporter des réponses segmentées dans toutes les expériences de l’entreprise -et pas uniquement RH-, à considérer les différentes catégories de salarié comme des clients internes auprès desquels toutes les directions de l’organisation ont un rôle à jouer, évaluer, corriger, évaluer encore… plutôt que d’éparpiller leur énergie avec une conciergerie d’entreprise et un Chief Happiness Officer !
Et vous ? Elle est comment votre expérience collaborateur ?
Ressources utiles :
- L’étude de Parlons RH à télécharger ici
- Le webinar animé par Thomas Chardin, fondateur de Parlons RH pour une lecture complète et pédagogique de l’étude