Comme 42 000 personnes, je me suis rendue jeudi dernier, le 11 octobre, à l’Accor Arena de Paris pour participer au plus grand rassemblement d’entrepreneurs, organisé par BPI France, un organisme français de financement et de développement des entreprises. Un événement démesuré par la taille, quand on pense aux 600 techniciens qui ont transformé les lieux en un gigantesque palais de congrès, aux 300 conférences et ateliers proposés aux visiteurs, aux 4 000 RDV BtoB qui ont eu lieu toute la journée,… mais aussi par les expériences proposées : spectacle de drônes, immersions en réalité virtuelle, échanges avec des robots, gaming, …
Au milieu de cette débauche technologique, j’ai pour ma part, choisi de participer à un maximum de rencontres, tables-rondes, débat sur les sujets tech et le travail de demain… Un tour de pistes forcément incomplet compte tenu de la richesse de cette journée, mais dont je vous propose de restituer quelques enseignements… en plusieurs billets car la matière est dense !
Cette semaine, on parle IA... Attention…innovations !
« Lâchez-vous, dépassez les bornes ! Créativité, international, il faut voir loin car la France de demain c'est dès aujourd'hui ! », exhortent en ouverture les organisateurs de l’événement. Une introduction qui donne le ton, l’heure est à l’innovation…
Trouver la voie de l’IA…
Grande thématique incontournable de la journée, l’Intelligence Artificielle. J’ai eu la chance d’assister à une table ronde passionnante animé par Thierry Keller du magazine prospectiviste Usbek&Rica, au cours de laquelle 3 start-up, DatakaLab, Voxygen et Jechange.fr présentent leurs usages innovants de l’IA.
Spécialiste de la voix et des « voicebots », Voxygen nous propose en séance d’écouter plusieurs synthèses vocales particulièrement bluffantes ! Mention spéciale pour la reproduction de la voix de Louis XIV réalisée pour le lancement de la saison 3 de la série Versailles, grâce aux rassemblement de connaissances historiques (état de santé, images du Roi Soleil à la fin de sa vie, …), on s’y croyait ! Parmi les perspective de la voix de synthèse, Voxygen évoque la possibilité d’identifier le pouvoir émotionnel de chaque voix, comme une sorte de Panthonier (en comparaison avec les couleurs), et de permettre aux marques de trouver l’identité vocale qui colle avec leur ADN. La start-up travaille également à enrichir les voix avec des cas d'usage mieux tournées en expressivité et en contenu, ou avec des marqueurs culturels (accents, expression, …). Son principe : l'interface vocale est une chose, l'expérience en est une autre. Ainsi, se pose clairement la question quasi éthique en matière d’assistants vocaux et de voicebots : faut-il spécifier à l'utilisateur qu'il échange avec une machine ou faut-il que ce soit "sans couture", au bénéfice de l'efficacité de l'expérience client ? On est loin de la voix de Simone, à la SNCF, pionnière des identités vocales !
Dans une approche complémentaire, la plateforme Jechange propose un service de gestion automatisée des factures et tâches administratives. Outre cette application concrète de la robotisation au service des phobies administratives, la start-up pense également s’appuyer sur l’IA pour analyser le niveau de satisfaction client et fournir un service adapté. Plus ancienne forme de communication, rapide et chargée d’émotion, l’analyse de la voix serait un excellent relais pour l’assistance.
Autre start-up présente à cette table-ronde, DatakaLab est spécialiste du monde du "braintech" qui croise neurosciences, marketing et IA. Elle utilise ainsi l’intelligence artificielle pour mesurer les émotions humaines : une technique appelée « facial coding » qui décode les micro-expressions, sachant que 90% de nos émotions sont non-conscientes, interviennent dans nos décisions et stimulent notre mémorisation, l’enjeu est de taille. Parmi les applications présentées, toujours menées face à un collectif d’individus (et non de façon individuelle), Datakalab mesure l'engagement d’une classe d’étudiants en cours, ou encore d’un groupe de collaborateurs en séminaire. La technologie développée permet d’objectiver le postulat selon lequel la vidéo par exemple engage 25% fois plus qu’une présentation descendante. Elle permet également de prendre la température d’un groupe en entreprise, selon que les sujets abordés par le management génèrent joie, surprise, peur ou colère… et ce, en vue d'adapter les futures communications ou la conduite des changements à mener. DatakaLab est également intervenu sur la mesure en facial coding d’un groupe d’auditeurs lors du premier débat des présidentielles 2017, un moyen d'objectiver les perceptions souvent biaisées des sondages. Enfin, la start-up utilise le facial coding et des bracelets connectés pour mesurer les émotions de prospects face à un message marketing ou dans le cadre d'un parcours client.
Quelque soient les usages qu’ils ont présenté, les 3 start-up insistent sur l’enjeu à orienter les travaux autour de l’IA sur le service à l'humain, et à donner un visage humain aux data. C'est aussi, selon ces acteurs, une opportunité pour les marques de se différencier et de trouver leur propre voix/voie 😉.
Designer l’IA pour en faire une expérience human-centric
Selon Dominique Sciamma, de l’école de Design Strate, pas de doute, c’est le moment de l'IA car : 1/ selon le principe de la loi de Moore, tous les 2 ans, les ordinateurs vont deux fois plus vite, et ce qui était impossible devient possible ! 2/ les réseaux sont la ! 3/ les data aussi, et on peut donc nourrir l'IA avec des milliards de données et enfin 4/ les smartphone et leurs usages sont là aussi. C’est donc le moment de l'IA !
Et pourtant dès 1983, les japonais avaient introduits de l’intelligence artificielle dans leurs ordinateurs…sans succès ! En effet, la technologie pour la technologie n’est pas un marché -il n’y a qu’à se rappeler l’échec cuisant du Bi-Bop- si l’usage n’est pas là ! C’est donc là que la démarche « design » prend tout son sens !
Design implique « dessin » et « dessein », autrement dit dessiner son objectif ! Le design est avant tout une discipline humaniste destinées à créer des conditions d'expérience et d'usage réussies, il s’appuie sur le faire ensemble. Il implique ainsi de passer d'un monde du travail, de process et de tâches déresponsabilisant, issu de la révolution industrielle, à un monde plus complexe qui nécessite collaboratif, multi-disciplinarité, et transversalité, au service de l’utilisateur final.
Lors de cet atelier, Dominique Sciamma nous invite à penser l'IA et ses applications avec le design pour lui donner une "âme », et à ne laisser pas le pouvoir seulement aux informaticiens et aux marketeurs ... En effet, l'enjeu de l'IA va au delà de la transformation digitale : selon lui, c'est un enjeu existentiel de contribuer à une nouvelle "espèce" sur Terre, ces futurs "robjets", qui vont percevoir le monde, analyser des situations, décider, agir, interagir avec nous. C’est un défi de l’ordre du « vivre ensemble » qui nécessite de prendre en compte la dimension systémique des projets d’IA, grâce à une démarche Design. C’est un projet de société qui nécessite également une expression, un cadre au niveau européen afin que l'IA utilisée comme un moyen de coercition au détriment des hommes et de leur liberté...
Finalement, le design doit nous inviter à définir le dessein de la société qu'on veut construire avec l'IA.
Rien que ça !
Semaine prochaine, je vous propose de continuer à partager mes enseignements de la journée BPI InnoGeneration avec un billet sur le futur du travail ! Stay tunned !
par Gaëlle Roudaut