Tandis que notre société est en pleine transformation avec le digital, une nouvelle vague d’innovation est déjà en marche impulsée par l’intelligence artificielle et toutes ces acceptations : chatbot, robotisation, automatisation, … Non loin des romans et films de science fiction, des intelligences artificielles commencent à parsemer notre quotidien, que nous parlions avec notre téléphone portable ou que nous utilisions les service de traduction en ligne ou le chatbot d’un site de voyage… Quels sont les différents types d’intelligence artificielle ? quels sont les premières applications concrètes qui investissent le monde de l’entreprise ? Quels sont les risques réels/fantasmés autour de l’IA ? Comment allons-nous demain travailler avec les robots ? et surtout quelles compétences doivent développer les managers pour faire face à cette nouvelle réalité professionnelle ? Autant de questions auquel le MOOC « Le manager augmenté avec l’IA », développé par Cécile Dejoux et le CNAM s’attache à répondre, et dont je ne vous propose ici qu’une modeste synthèse (tant le sujet est vaste et passionnant !)
Composé de 3 modules de plusieurs vidéos étayées de nombreuses interviews d’experts, de quiz, de web-conférences live et de la possibilité d’expérimenter l’IA grâce aux concours d’un certain nombre de partenaires innovants, le MOOC « Le manager augmenté avec l’IA » propose une approche complète au plan théorique et pratique pour qui souhaite découvrir le sujet de l’intelligence artificielle, ses premières concrétisations en entreprise et appréhender le rôle des managers face à cette nouvelle révolution technologique. Résolument optimiste dans son regard, sans pour autant nier les enjeux en termes de société et d’éthique, le MOOC nous invite à penser l’IA pour augmenter l’humain, « comme en symbiose avec nous » pour reprendre l’expression du prospectiviste Joël de Rosnay, interviewé en introduction du MOOC.
Comprendre ce qu’est l’IA
Le premier module commence par nous rappeler que l’intelligence artificielle n’est pas un sujet daté d’hier, puisque dès les années 50, John Mc Carthy et Marvin Minsky exposent pour la première fois cette notion. Le test de Turing, expérimenté par Marvin Minsky, matérialise ainsi le concept d’IA tandis qu’un humain jouant face à un autre humain et à une machine, ne fait bientôt plus la différence entre l’humain et l’ordinateur qui répondent à ses sollicitations. Aujourd’hui, la notion d’intelligence artificielle couvre plus largement l’ensemble des méthodes et outils qui permettent de réaliser des tâches de plus en plus complexes. Contrairement à un programme informatique « classique » qui répète un processus à partir d’une donnée d’entrée, l’intelligence artificielle s’appuie sur le machine learning et sa sous-discipline le « deep learning » : selon le principe des réseaux neuronaux, l’IA est « nourrie » de très nombreux modèles de données, d’exemples, de datas issus des réseaux sociaux, des outils métier, etc. qui vont lui permettre de faire des choix pour donner la meilleure réponse mais aussi d’apprendre pour améliorer continuellement son niveau de réponses en fonction des sollicitations. La reconnaissance faciale, la reconnaissance vocale ou encore le traitement automatisé du langage s’appuient déjà sur cette technologie. 3 mots clés caractérisent ainsi l’intelligence artificielle : autonomie, algorythme et big data.
Pourquoi l’IA est -elle un sujet de société aujourd’hui ? Tout d’abord parce que la donnée, nécessaire à l’IA et sa capacité d’apprentissage, est disponible aujourd’hui grâce au web, à ses transactions, interactions, objets connectés, etc. La puissance des machines de calcul nécessaire au fonctionnement de l’IA est également plus accessible, nécessitant des investissements « scalables » c’est-à-dire dimensionnés selon les besoins. Le web a également permis un partage plus grand des recherches scientifiques autour de l’IA, permettant à des start-up de se saisir des recherches « open source » pour tester des usages et des réalisations. Finances, assurances, énergie, éducation, santé, … l’IA se déploie dans tous les domaines, de la première opération chirurgicale réalisée en 2017 grâce à la réalité virtuelle, en passant par le véhicule autonome ou encore les chatbots.
Alors pourquoi l’IA fait-elle aussi peur ? pourquoi ses discours aussi pessimistes sur une technologie qui a déjà commencé à révolutionner le quotidien ? Tout d’abord parce que nos institutions publiques, emprunts de la culture économique schumpetérienne de la destruction créatrice, restent attentistes face à l’arrivée de l’IA et n’aident pas les entreprises à regarder métier par métier ce que l’automatisation pourrait changer et ses conséquences réelles pour l’emploi. Le discours négatif ambiant, relayé par les médias, maintient l’idée d’une IA toute puissante qui remplacerait totalement l’humain dans son travail, idée renforcée par la science-fiction qui montre régulièrement la machine comme l’égale de l’homme, devenant consciente d’elle-même. Un autre débat concerne l’utilisation de l’IA avec le corps humain et oppose les bio-conservateurs aux transhumanistes : sommes-nous prêts à intérargir avec des humanoïdes ? avec des humains hybrides ? au cœur de ce débat, la question de l’éthique et de la confiance.
Quoiqu’il en soit, le MOOC nous invite à une lecture plus réaliste de l’intelligence artificielle : comprendre de quoi il s’agit pour dépassionner/démystifier, et surtout, sans nier les impacts de l’IA sur l’emploi, apprendre à travailler avec, à intéragir avec des robots ou des machines, se former, car là, où il y a aura une intelligence artificielle, il y aura forcément une intelligence humaine pour la piloter, la nourrir et travailler avec elle.
Evaluer l’IA
Le 2e module du MOOC très concret montre en quoi l’intelligence artificielle peut intervenir dans le travail des managers, pour tantôt le remplacer dans des tâches à faible valeur ajoutée, tantôt l’assister pour lui permettre de gagner du temps et d’être plus performant dans certaines activités, et tantôt l’augmenter en lui permettant d’imaginer et de réaliser de nouvelles façons de travailler avec l’IA. Ce 2nd module s’appuie sur de nombreux exemples de technologies développées notamment par les géants de l’informatique Microsoft et IBM.
En ce qui concerne les tâches où l’IA peut remplacer le manager, on pense immédiatement au tri des mails : considérant le volume de mails reçus tous les jours par le manager en entreprise, Microsoft a ainsi développé une IA qui priorise les mails selon les centres d’intérêt et les contacts récurrents de l’utilisateur. Autre exemple, Evie, une IA avec laquelle on peut mettre partager son agenda, afin de faciliter la prise de rendez-vous avec d’autres collègues de l’entreprise. Les chatbots qui se répandent également dans de nombreux domaines sont également un bon exemple d’IA qui répond à des questions basiques permettant une disponibilité 24H/24. Avec la nécessité, rappelée par l’un des intervenants, d’être transparent sur la nature de la relation (avec le robot ou avec un humain) pour une expérience utilisateur tout à fait claire.
En ce qui concerne les tâches que le manager peut faire avec une intelligence artificielle pour gagner en efficacité, les exemples relèvent essentiellement d’aider le manager dans sa prise de décision face à la surcharge informationnelle. Ainsi, des outils tels que Delv ou Yammer Discovery de Microsoft vont être capable de trier l’information en fonction du réseau dans lequel travaille le manager, pour faciliter son travail de curation, activité essentielle à l’ère numérique. La start-up Flint propose quant à elle, un robot qui va faire de la veille pour le manager en lui envoyant 10 articles par jour, parmi lesquels quelques uns délibérément sortis de la « bulle » des réseaux dans lequel le manager est enfermé habituellement. Un autre exemple, ce système qui aide à la gestion de projets en calibrant le temps nécessaire aux différentes tâches. Ainsi, l’IA peut aider le manager à trier, prioriser, être fin dans ces analyser pour prendre des décisions éclairées malgré l’infobésité qui aurait pu le submerger !
Enfin, en ce qui concerne la façon dont l’IA peut augmenter le manager, les exemples ne manquent pas non plus. Que dire d’un manager qui va pouvoir grâce à l’IA, s’exprimer/comprendre dans des langues qu’il ne parle pas, auprès de ses collaborateurs répartis dans plusieurs pays du monde. Aujourd’hui des outils comme Skype Translator intègre plus de 20 langues, de quoi dépasser les barrières linguistiques au service d’un management multinational ! En terme de gestion des talents et des carrières, les systèmes d’IA sont également capables de repérer des signaux faibles chez les collaborateurs et d’identifier le risque d’un départ de l’entreprise, permettant aux managers comme au RH d’anticiper ce risque de fuite des talents et de mettre en place des actions de fidélisation. Autre exemple, la fonction MyAnalytics de Microsoft Office365 qui vise à faire prendre conscience aux collaborateurs du temps passé sur la gestion des mails ou en réunion… L’IA peut également être un atout important quand il s’agit de faire une étude concurrentielle ou de trouver de nouveaux territoires d’innovation, en analysant les millions de documents disponibles sur le net (thèses, dépôt de brevets, …)…
Finalement, ce 2nd volet du MOOC nous montrer que lorsque l’IA remplace le manager, lui fait gagner du temps ou lui permet de développer de nouvelles activités, l’objectif est avant tout de permettre au manager d’être encore plus humain, avec l’IA, en se dégageant de ses tâches à faible valeur ajoutée, le « manager augmenté » peut ainsi passer plus de temps auprès de son équipe, développer son empathie, libérer sa créativité, etc.
Développer de nouvelles compétences pour manager avec l’IA
Dès lors que l’on a compris les enjeux et les acceptions concrètes de l’IA en entreprise, le dernier module du MOOC encourage le manager à développer 2 domaines de compétences : savoir interagir avec les systèmes d’IA et savoir acculturer son équipe à l’intelligence artificielle. C’est à ces 2 conditions que le manager « augmenté » pourra bénéficier pleinement du potentiel offert par l’IA.
Savoir interagir avec l’IA suppose dans un premier temps d’accepter de livrer sa connaissance à la machine pour qu’elle puisse ensuite lui rendre des services performants, cela suppose également de choisir ce qui peut être automatisable et ce qui reste du domaine de l’homme, autrement dit d’imaginer de nouveaux rituels en fonction de ce que je décide de confier à l’IA et de ce que je garde en propre en décision stratégique. Ainsi l’un des intervenants du MOOC cite le cas du cabinet américain Bridgewater qui a intégré une IA au sein de son CODIR partant du principe qu’elle prendrait des décisions factuelles… alors qu’au contraire, les décisions en entreprise sont souvent prises dans des contextes hautement politiques, mêlés d’émotions, d’incertitudes et d’ambiguïtés, un champs dans lequel l’IA n’est pas performante. Au contraire, entrainer les IA, comme on peut former un collaborateur, pour ensuite agréger ses différentes intelligences, machines et humaines, et libérer tout le potentiel collaboratif, tel est l’enjeu de cette compétence. Elle suppose d’avoir une culture de la données, de comprendre celles qu’il utilise voire fournit à la machine, de vérifier la pertinence des réponses de l’IA, de contrôler son bon fonctionnement…, Savoir entrainer une IA, la nourrir avec de l’information de qualité, intéragir avec elle, et penser son équipe en terme de coopération homme/machine… sont donc des compétences clés du manager.
En complément, savoir accompagner ses équipes pour les amener à travailler avec l’IA est également essentiel : donner envie aux collaborateurs de travailler avec l’intelligence artificielle, les amener à sortir du cadre, à repenser leur travail, à développer un nouveau « mindset » en fonction du temps que la machine va libérer, les accompagner pour lever les freins, les encourager à tester, à se former également.
« Le manager ne peut agir que dans une entreprise numérique qui utilise le digital à tous les niveaux, de haut en bas, de bas en haut, avec les clients, avec les salariés, … dans ce domaine, le manager doit favoriser la transversalité entre les rapports, pas des rapports de force, mais des rapports de flux d’information, le fait que chacun est plus avec l’intelligence des autres, il doit être un catalyseur d’intelligence collaborative, doit aider les uns et les autres avec les nouveaux réseaux numériques » - Joël de Rosnay.
Le prospectiviste interviewé à la fin du MOOC complète avec les 5 compétences clés du manager augmenté : le charisme, la vision, les valeurs, l’écoute et la confiance. Autrement dit, intégrer et travailler avec l’IA dans une logique d’entreprise apprenante, où la machine bat l’homme, mais où la machine et l’homme battent la machine seule !
Finalement, là où l’IA va pouvoir reproduire des routines, des process, le manager va pouvoir se concentrer sur son rôle de chef d’orchestre, développer sa créativité, sa capacité à animer, accompagner et faire grandir son équipe et profiter de la complémentarité collaborative entre humains et machine. C’est la promesse de ce MOOC. En somme un MOOC qui nous invite à voir l’IA autrement, à porter un regard sur notre métier et ses transformations futures avec la robotisation, à ne pas nous laisser assourdir par les discours alarmistes sur l'automatisation, pour prendre en main le destin du rôle de manager avec l’intelligence artificielle.
Sur la plateforme FUN, et également développé par le CNAM et Cécile Dejoux, je suis actuellement le MOOC « du manager au leader », dont j’aurai l’occasion de vous reparler dans un prochain billet ! A suivre...
Quelques ressources complémentaires pour explorer le monde d’IA :
- Livre blanc de l’INRIA à lire : https://www.inria.fr/actualite/actualites-inria/intelligence-artificielle-les-defis-actuels-et-l-action-d-inria
- Conférence TED de Kasparov : https://www.ted.com/talks/garry_kasparov_don_t_fear_intelligent_machines_work_with_them
par Gaëlle Roudaut