Rentrée oblige, un nouveau billet sur mon blog… Et quoi de mieux qu’un sujet en lien avec l’éducation, la pédagogie, l’évolution des compétences, pour rester dans le ton… J’ai donc choisi de vous exposer ici quelques idées clés issus du MOOC Planète Apprenante, proposé par le CRI sur la plateforme FUN au début de l’été. Un concentré de témoignages et d’expériences réjouissantes au service d’une pédagogie revisitée à tous les niveaux -milieu scolaire, formation initiale, continue- pour répondre aux défis d’aujourd’hui et de demain. Morceaux choisis.
Parce que le monde évolue à toute vitesse, que la connaissance est désormais accessible -quasiment- à tous sur le web, que nous devons faire face à de nouveaux défis avec l’arrivée de l’IA mais surtout les enjeux environnementaux, le développement de nouvelles compétences, plus « soft », basée sur la relation aux autres, sur la coopération, sur la capacité à apprendre tout au long de la vie, est nécessaire… Le MOOC Planète Apprenante rassemble les éclairages de nombreux acteurs de l’éducation, de l’entreprise, des collectivités, des institutions nationales et internationales, sous la houlette de François Taddéi et Marie-Cécile Naves et des équipes du CRI. Lancé au début de l’été, il a rassemblé plus de 5600 participants et des quantités d’échanges, d’idées, de partage en ligne pour co-construire avec les apprenants du MOOC la Planète apprenante de demain…
Pour introduire le MOOC, conçu comme 4 grands reportages, un préambule théorique utile suivi d’un test individuel : nous réagissons tous de façon différente face à l’apprentissage, autrement dit, nous avons notre propre profil d’apprenant. Ainsi, certains ont besoin d’une expérience d’apprentissage qui s’appuie sur plusieurs modalités pédagogiques, d’autres sur la relation avec des pairs, d’autres sur le format plus classique descendant, d’autres enfin d’une relation individuelle… Autant de profils d’apprentissage que le professeur américain Richard Elmore a détaillé dans son MOOC Leaders of Learning, et qui nous incite à prendre en main ce que nous voulons apprendre, où et comment, pour prendre en main notre futur ! Ce profil apprenant est aussi une grille de lecture qui impacte directement notre vision de l’éducation, notre posture et nos attentes en la matière.
Enseigner différemment
Les entreprises, les administrations comme les systèmes éducatifs ont été pensés avec les outils du 19e siècle. Et dans son évolution, le système scolaire a plutôt conduit à créer un système de compétition. Et pour autant l’école, c’est aussi la première organisation que les enfants voient et connaissent… Il est donc urgent de réinventer le modèle éducatif, de l’adapter aux problématiques d’aujourd’hui et de demain : dans la société dans laquelle nous vivons, face aux urgences climatiques et environnementales de la planète, plus personne ne sait tout, nous avons plus que jamais besoin les uns des autres et de l’intelligence collective. Ce nouveau modèle, c’est celui de la « classe apprenante » : « Inciter à la coopération plutôt qu’à la compétition, partager les explorations que chacun a réalisé pour que chacun apporte une brique de connaissance à tous », explique François Taddéi. Dans cette logique d’apprentissage, celui qui apprend quelque chose le transmet aux autres : en le transmettant il consolide son propre savoir, ils le confrontent à celui des autres, il s’enrichissent mutuellement. Ainsi, différentes expérimentations commencent à voir le jour sur ce modèle : au collège Charles Peguy de Tourcoing ou encore au département informatique de l’université de Strasbourg, on pratique l’évaluation par les pairs. Au collège, les élèves sont incités à quitter leur chaise pour partager leur connaissance sur les grands tableaux qui parent les murs de la classe : « dans ce modèle dit de la classe mutuelle, l’enseignant n’est plus devant la classe, il est au milieu des élèves », explique Hélène Marcelli, enseignante en sciences physiques. D’autres expérimentations intègrent les jeux vidéos ou les jeux en général comme supports pédagogiques, elles s’appuient également sur l’art ou le sport, facteurs d’émotion, moteurs de changement et qui mettent l’apprenant en mouvement, elles valorisent davantage la diversité des individus ou encore les compétences extra-scolaires mises en œuvre dans le cadre associatif et culturel, elles favorisent aussi davantage l’intégration des élèves en situation de handicap.
Dans ces nouvelles approches, l’enseignant n’est plus seulement un transmetteur de connaissances : il doit lui-même multiplier les sources de savoirs pour apprendre aux élèves à coopérer, se documenter en continu pour faire évoluer son enseignement. Face à cet enjeu, l’Académie de Dijon a mis en place un site web intégrant la feuille de route de l’académie et un forum apprenant : professeurs mais également personnel administratif, collectivités peuvent y partager des expériences et accorder, non pas des like mais des « J’ai appris » sur les témoignages publiés au sein de l’espace. Les enseignants doivent en permanence se former et ce, sur leur temps libre : le site de l'académie permet à la fois de leur demander ce dont ils ont besoin, mais aussi leur permet de partager des points de vue, de réinventer des éléments de pédagogie en se confrontant avec leurs pairs ainsi qu'avec des chercheurs en science de l’éducation. Construire une société apprenante nécessite non seulement de repenser le système éducatif avec ces acteurs mais d’impliquer aussi dans le dialogue monde de la recherche, et monde de l’entreprise.
Avant d’apprendre, désapprendre
En effet, dans une société où les réponses d’hier sont dans les machines, un monde qui change toujours plus vite, où il faut trouver de nouvelles réponses et où être capable de poser de nouvelles questions, on sait aujourd’hui que la capacité à s’adapter au changement constituera une des compétences les plus précieuses car nul ne connaît la société de demain. Elle implique de se mettre perpétuellement en situation d’apprendre, pas uniquement dans un contexte de formation avec un professeur mais aussi dans les situations du quotidien, en utilisant les outils de son environnement. Elle implique aussi une capacité à penser différemment, à se remettre en question, à s’ouvrir au reste du monde. Elle suppose enfin une grande flexibilité dans une vie professionnelle où chacun de nous pratiquera 4 à 5 métiers différents. Ainsi, on peut documenter son expérience à partir de ce que l’on a appris pour réinvestir un certain nombre d’acquis, d’idées que l’on peut ensuite transposer dans de nouveaux univers, de même que bénévolat et activités extra professionnelles permettent de développer des compétences, comme de gagner en discipline, en confiance, et en bien-être. Effet, le MOOC nous rappelle que le développement des compétences passe par la formation mais également par l’environnement en général et que l’on apprend mieux quand on se sent bien. Une gageure quand de nombreuses personnes ont un souvenir négatif de l’apprentissage, liée à la salle de classe qu’ils ont connue, souvenir qu’il faut évacuer pour renouer avec une expérience de l’apprentissage positive et permettre à chaque individu de devenir acteur de son parcours apprenant, sortant d’une logique de simple réceptacle.
Le MOOC nous invite à penser les apprentissages de façon systémique, tant pour ce qu’ils apportent individuellement à chacun, que collectivement, à un groupe et à la société. Ainsi, si pendant des années, le pouvoir se concentrait dans les mains de ceux qui détenaient l’information et la gardaient pour eux, aujourd’hui au contraire, il faut valoriser l’influence et le fait de mettre son savoir à disposition des autres, il est temps de s’appuyer sur les talents de chacun et de faire en sorte que chacun apprenne du talent des autres. Les nombreux témoignages du MOOC qui portent notamment sur l’évolution du monde universitaire, valorisent également la transdisciplinarité : angles de vue, méthodologie, apports théoriques et académiques, … S’ouvrir à toutes les disciplines, c’est muscler sa curiosité, son ouverture d’esprit, sa confiance, son ouverture à l’autre ! Il propose également d’envisager la recherche en science de l’éducation de façon participative : en intégrant le point de vue des parents, des enfants, de tous les acteurs… sur la pédagogie, les enseignements, etc. la recherche pourrait ainsi avancer dans le sens d’une plus grande individualisation de la formation selon les besoins de chacun. Une autre façon de prendre en compte la diversité et les talents de chacun pour que tout le monde trouve sa place dans la planète apprenante.
Apprendre différemment
Le savoir a longtemps été recherché dans les livres ou auprès de sachants, d'experts, de mentors. Les universités ont été construites au Moyen-Âge dans cet esprit, pour en favoriser l’accès. Aujourd’hui, alors que le savoir est disponible sur le web, mais souvent de façon parcellisée, l’enjeu est davantage de trouver la bonne information, de trier parmi les sources multiples, de faire les liens, … Si la technologie représente indéniablement un potentiel, elle comporte aussi des risques selon les intervenants du MOOC : dans le contexte de bouleversement que nous connaissons avec la révolution numérique, le phénomène fake news est amplifié par le volume de données qui circulent, comme par la défiance vis-à-vis des élites politiques, médiatiques, … Nous ne sommes pas tous des experts de l’information, et si c’est une bonne nouvelle pour la démocratie que nous puissions tous prendre la parole sur le web, cela impose aussi de poser de nouveaux repères, de trouver des « intermédiaires de confiance » qui fassent ce travail de décodage, de tri parmi ce qui peut être des avis, des faux savoirs, des informations parcellaires... Ainsi, rappelle Emmanuel Davidenkoff, rédacteur en chef du Monde Campus, un journalisme de qualité s’appuie sur un effort d’intelligence collective, eu égard au nombre de personnes pour écrire, relire un article…
De plus, l’exercice démocratique ne s’apprend pas à la télévision ou en cours d’éducation civique mais s’exerce dans un quartier, une région, en participant au quotidien à la vie de celui-ci, dans une MJC, une association, etc. Or, le maillage associatif du territoire s’est étiolé avec le retranchement des moyens au service de ces structures.
Le MOOC nous alerte aussi sur les inégalités d’accès à la connaissance qui perdurent voire s’amplifient malgré la disponibilité de l’information : dans certaines parties du monde, la privatisation de l’enseignement créée de la ségrégation sociale et un système d’éducation à deux vitesses, quand dans d’autres, l’éducation est interdite aux fillettes … Pour mettre l’apprentissage et les connaissances au service de la planète, commençons par rendre l’éducation réellement accessible à tous !
Apprendre à se poser les bonnes questions
Réduire ces inégalités d’accès aux savoirs en mobilisant l’intelligence collective (citoyens, chercheurs, éducateurs, politiques, …), c’est se préparer au mieux au monde du travail de demain : un monde dans lequel 85% des métiers de demain n’existent pas encore, comme 30% des emplois d’aujourd’hui n’existaient pas il y a pas il y a 20 ans.
Dans ce contexte mouvant où les parcours professionnels ne seront plus linéaires, la logique de compétences est particulièrement intéressante : cartographier les compétences des emplois pour identifier les passerelles possibles entre métier, identifier les compétences transversales -notamment comportementales mais pas uniquement- que l’on peut mettre au service de plusieurs types d’activités, mais également rendre visibles des compétences qui ont été acquises par le passé et qui ne sont peut être pas activées dans le quotidien, sont autant de défis pour les organisations en pleine transformation. Si le sujet est complexe pour les grandes entreprises qui sont pourtant habituées au sujet de la GPEC depuis un certain nombre d’années et en cernent l’enjeu pour demain, il l’est d’autant plus pour les TPE et PME qui n’ont pas forcément les moyens de se pencher aujourd’hui sur ce sujet, par ailleurs truffé de jargon RH…
De plus, à l’heure où l’employabilité et la mobilité professionnelle sont des clés pour évoluer dans ce monde du travail en mouvement, 90% des apprentissages sont des apprentissages informels qui ne sont pas reconnus en tant que tel, explique Serge RAVET, Président de l’association «Reconnaître - Open Recognition Alliance». Les seuls savoirs qui sont reconnus sont ceux qui sont sanctionnés par un diplôme… Il propose ainsi de distribuer des « badges », comme des instantanés de reconnaissance, comme une solution aux compétences que l’on détient mais que l’on est pas toujours capable d’identifier personnellement : « On est tous en quête de reconnaissance et également capables d’en donner à d’autres ! C’est parfois plus facile à reconnaitre chez les autres au travers d’expériences que l’on a partagées … Et accepter une reconnaissance de quelqu’un, cela veut aussi dire reconnaître cette personne en tant qu’individu, c’est un message profondément émancipateur, un levier de motivation, y compris pour les personnes en décrochage ». Identifier ce que l’on réussit, nos aptitudes, nos savoirs, grâce aux autres, permet non seulement de cartographier utilement les compétences au sein d’un référentiel pour l’organisation mais aussi de créer de la confiance et de renforcer le collectif. Pour construire une société de la connaissance, il faut également créer une société de la reconnaissance !
Une planète apprenante c’est …
Pour conclure, à chaque fin de vidéo du MOOC, il était demandé aux intervenants de livrer leur définition d’une planète apprenante. Loin d’être exhaustive (comme cette synthèse du MOOC), voici ma petite sélection des définitions à retenir (à défaut de les avoir toutes notées !) :
- Une planète où chacun prendrait conscience que tout ce qu’il fait dans la vie est autant de situations d’apprentissage et de ce qu’il peut en tirer ;
- Une planète dans laquelle on ne dresserait aucune barrière devant le désir d’apprendre des gens et où on ferait à tous les âges de la vie des propositions intéressantes pour ramener vers des savoirs ;
- Une planète qui permettrait de construire la société de la confiance : respect des individus, de l’environnement, un écosystème où toutes le personnes seraient en interaction autour de leurs connaissances, où chacun saurait que ce qu’il sait est à disposition de tous les autres et qu’en face d’une difficulté, il peut compter sur quelqu’un, une société où chacun peut grandir…
Et si c’était possible …
Bonne rentrée à tous ! 😊
Persuadée que les modalités d’éducation et de formation doivent évoluer pour nous permettre de construire ensemble la société de demain, je n’ai pu m’empêcher de faire des contenus du MOOC, une sketchnote pour synthétiser (pour vous) et pour mémoriser (pour moi) les messages clés de la planète apprenante …
par Gaëlle Roudaut