Ce mercredi 20 mai, une centaine d’acteurs RH se sont réunis en webinar pour hacker la fonction RH : après le digital et le télétravail, passés à la moulinette du collectif pour la Reconquête des RH ces dernières semaines, les RH ont décidé de se regarder dans le miroir, sans concession…Une fonction RH discrète en général, dans l’entreprise, qui ne met pas en avant ses actions ou ses réussites et qui, cantonnée dans son rôle gestionnaire, souffre souvent d'une crise de légitimité. Alors qu’en est-il des RH demain ?
Longtemps réduite à ses responsabilités administratives quand elle était occupée par des militaires ou des juristes et que les cursus universitaires spécialisés en RH n’existaient pas encore, la fonction RH a vu ses dernières années de nombreuses missions lui incomber : à l’administration du personnel et à la paie se sont ajoutés le recrutement, la formation, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le développement des RH, etc. Une accumulation renforcée par la digitalisation du domaine RH qui a vu le nombre d’outils à sa disposition exploser par la même occasion.
La crise du Covid-19 rebat à nouveau les cartes : habituellement peu valorisés, les sujets de santé et de sécurité des salariés sont au cœur des missions actuellement, quand il s’agit de faire revenir sur le lieu de travail les nombreux salariés confinés en télétravail ou en chômage partiel aux côtés de ceux dont les missions se sont poursuivies pendant toute la période de confinement. « C’est une tâche noble que de prendre soin des salariés », insiste Michel Barabel, Directeur du Master GRH dans les entreprises multinationales et Professeur Associé à Sciences Po Paris. De plus, « c’est l’occasion de revenir aussi à une position plus stratégique », indique Marie-Pierre Fleury, Dirigeante CANDEN, DRH, co-auteur du récent essai : ‘Pour en finir avec Les RH demain’, tandis que de nombreuses entreprises ont à surmonter de véritables enjeux économiques.
Rapidement, les intervenants s’accordent : qu’il s’agisse de missions stratégiques au service des enjeux business de l’entreprise, d’accompagner la transformation digitale de l’entreprise ou encore d’accomplir ses activités administratives, la fonction RH n’est pas une : elle est plurielle, tenant compte du contexte et de la systémique de l’organisation pour laquelle elle œuvre.
Cependant, la légitimité de la fonction RH est souvent questionnée. Et les travaux de Dave Ulrich notamment, qui ont positionné la DRH comme un acteur stratégique, véritable « business partner » de la direction générale, ont eu tendance à focaliser les acteurs RH sur cette mission, un sentiment renforcé par la nécessité de produire de nombreux indicateurs de performance (KPI) et de s’inscrire dans une logique financière : en réalité, indique Frédéric Mischler, consultant et co-auteur du récent essai ‘Pour en finir avec Les RH demain’, « il n’y a pas de choix à faire entre le rôle stratégique et la dimension humaine du métier RH : le rôle des RH est aussi celui de créer du lien au sein de l’entreprise ». En effet, le RH bashing comme l’hyperspécialisation dans certaines expertises (formation, recrutement, …) ont pu donné le sentiment de démembrer la fonction RH et d'en dénigrer certaines activités, de même que l’accent est mis sur le développement des RH plus que sur les dimensions administratives du métier dans les cursus de formation. « Rappelons que chacune des missions requiert une expertise forte, et qu’il n’y a pas de sous-métiers dans les RH », indique Michel Barabel, qui prône une véritable « dream team » RH au service des salariés et des managers de l’entreprise.
En fait, si la fonction RH doit faire la preuve de la performance sociale de l’entreprise et produire ses propres indicateurs, qu’il s’agisse de l’engagement des collaborateurs, ou encore de la responsabilité sociétale de l’entreprise, il faut rappeler que ceux-ci ne sont qu’une photographie à un instant T et doivent nécessairement être regardés dans la durée, là où les directions financières et les directions générales ont l’habitude de regarder des reporting court-termistes, les RH sont dans le temps long et observent à la fois des situations individuelles et des dynamiques collectives.
Une raison qui explique, selon Frédéric Mischler, que certains n’arrivent pas à se mettre en action, « à prendre le pivot, et quitter l’inertie » de la dimension gestionnaire du métier RH. De nombreux acteurs, selon lui, se réfugient derrière la force de l’habitude et n’arrivent pas à remettre en question leurs pratiques, d’autres sont pris par le quotidien et les urgences, d’autres encore se positionnent en observateurs des changements et même s’ils en voient l’intérêt n’arrivent à se projeter dans l’action : Marie-Pierre Fleury et Frédéric Mischler dans leur essai ‘Pour en finir avec Les RH demain’, invitent la profession à commencer par faire des petits pas, dans la logique effectuale, à faire avec ce qu’ils ont à leur disposition, pour faire évoluer leur métier.
Et cela peut commencer par travailler avec d’autres expertises de l’entreprise (marketing, informatique, …) ou encore pour les PME, à enrichir leurs écosystèmes pour intégrer dans les missions RH des visions et des expertises complémentaires : en effet, à force de travailler ensemble, les équipes RH ont les mêmes forces et les mêmes aspirations, mais c’est de la diversité des visions et des compétences que les ressources humaines de l’entreprise grandiront.
Par ailleurs, la légitimité tant souhaitée des RH pourra s’acquérir dans leur connaissance des métiers, dans leur capacité à aller sur le terrain aux contacts des équipes (ce qu’elles n’ont pas l’habitude aujourd’hui, sauf pour aller annoncer les mauvaises nouvelles), comme dans leur capacité à donner du sens, à favoriser la collaboration et la transversalité, ou encore à avoir le courage de porter des décisions de l’entreprise, sans se réfugier dans la dimension administrative du métier : « lorsque les managers solliciteront l’avis des équipes RH avant, plutôt qu’après avoir pris une décision », précise Michel Barabel, alors la valeur ajoutée et la contribution des RH à l’entreprise ne sera plus remise en question.
En matière de posture également, les intervenants ne prônent pas l’universalité mais au contraire, les complémentarités, qu’il s’agisse d’organiser le travail, d’accompagner les équipes, de les écouter, d’être garant de l’éthique, de prendre des décisions opérationnelles… tout en se gardant bien de tomber dans des effets de mode, qui cherchent à étiqueter les RH, coach par ici, médiateur par là…
Pour conclure, pour Marie-Pierre Fleury, l’avenir de la fonction RH, c’est d’en faire, au-delà de la fonction elle-même, un domaine d’actions partagé au sein de l’entreprise, entre administrateurs, dirigeants, managers, collaborateurs, …
Tous RH demain ? Et si demain, c'était aujourd'hui...
En vidéo l'ensemble des sketchnotes que j'ai réalisées pendant le webinar 😉
par Gaëlle Roudaut