Le 4 octobre dernier, un an tout juste après la première édition, se tenait le 2e RRHDay, organisé par le magazine prospectif RH Jobsferic et ses partenaires. Une journée de partages d’expériences où de nombreux invités issus des RH, du monde de l’entreprise, des start-up, mais aussi du monde politique, sont venus témoignés de leurs expérimentations au service d'une entreprise plus inclusive et plus responsable. Tout un programme !
Je profite de ce billet pour rassembler ici les quelques sketchnotes que j’ai produit au cours de la journée.
Pour ouvrir les débats, une première table-ronde réunissait Pascal Bernard, président de l’ANDRH Ile de France et DRH au Secrétariat général des Ministères chargés des affaires sociales, Jacky Isabello, chef d’entreprise et membre de la Commission Nouvelles responsabilités entrepreneuriales au MEDEF et Véronique Montanat, directrice Marketing de SOPRA HR Software. L’occasion pour Pascal Bernard de témoigner de son expérience récente dans l’administration publique où la transformation de l’organisation passe par l’évolution de la fonction RH. En effet, face à une DRH cloisonnée et critiquée par les métiers, malgré la motivation et l’engagement des collaborateurs en place, il était urgent de renouer le dialogue avec le terrain et de devenir plus agiles, ou pour reprendre son expression « de passer de la baleine au banc de poisson ». Une évolution qui s’est appuyée sur la mise en place de plusieurs comités pour échanger directement avec les usagers de la fonction RH : club des 30, communauté des managers, comités usagers… Ces nouvelles instances, basées sur l’approche du co-développement mais également sur une gouvernance tournante ont permis de co-construire les projets et de les mettre en œuvre plus rapidement au service des collaborateurs, et ce en minimisant le nombre de niveau hiérarchique et donc de validation. « Quand on entre dans un sous-marin on commence par enlever ses galons ! » rappelle Pascal Bernard : dans une administration où la culture du statut reste forte, la DRH ne peut faire évoluer les choses si elle n’est pas elle-même exemplaire. Ce fonctionnement en partenariat avec les usagers, dans une logique de symétrie des attentions, commence à porter ses fruits et à réconcilier les agents avec les équipes RH.
La table-ronde se poursuit ensuite avec Jacky Isabello. Cet entrepreneur nous interpelle sur l’attrait de l’entreprenariat : autonomie, initiative, liberté, … Autant d’avantages que les salariés ne trouvent plus dans l’entreprise. « Aujourd’hui, le 1er business angel, c’est Pôle Emploi », indique-t-il tant le nombre de demandeurs d’emploi qui sautent le pas de l’entreprenariat tend à se développer. A son avis, l’entreprise ne peut passer à côté de cette tendance : Jacky Isabello encourage donc les RH à développer le leadership de leurs collaborateurs et à les encourager à se lancer dans l’entreprenariat, tout en les gardant dans leur éco-système. Une approche d’essaimage qui s’inscrit dans le cadre d’une entreprise, dite liquide, ou étendue, qui aura demain à attirer et fidéliser des talents en dehors de ces frontières. [Lire également sa tribune publié sur le site Jobsferic]
Dernière invitée de cette table ronde, Véronique Montanat présente les 4 axes de transformations du métier des RH :
- la productivité qui constitue une attente forte pour 65% des RH et qui est permise par les outils de dématérialisation et l’introduction de l’intelligence artificielle dans le recrutement notamment ;
- L’animation du collectif dans le contexte d’une entreprise où les collaborateurs sont en télétravail, ou encore dans un autre pays voire même free-lance ;
- Le marketing RH pour fournir aux collaborateurs des services personnalisés et une expérience collaborateur qui concourra à leur fidélisation ;
- L’exploitation des datas RH collectées grâce aux nombreux outils RH permettant à la fois une meilleure connaissance des ressources humaines de l’entreprise mais également une approche prédictive.
Interrogés par Christelle Lambolez, directice de la publication de Jobsferic et Charles Henri Besseyre des Horts, président de l’AGRH et professeur émérite à HEC Paris, sur les transformations du métier des RH, les intervenants de cette première table ronde mettent en avant l’importance de l’éthique qui ne doit pas être perdue de vue au profit de la productivité, mais aussi la prise en compte de la diversité et l’appartenance au collectif. Charles Henri Besseyre des Horts rappelle en effet qu’avec la technologie, le DRH doit d’autant plus se positionner sur la relation humaine et dans un monde où tout va plus vite, redonner du temps au temps !
Recrutement et intégration : moins de diplôme et plus de marketing ?
La 2e table ronde était consacrée au recrutement et à l’intégration des nouveaux embauchés. Elle rassemblait 4 grands témoins : Jean-Christophe Brochet DRH d’Engie IT, Virginie Flore, directrice du développement RH chez SpieBatignoles, Muriel Nicou, responsable Marque Employeur France chez Axa et Lionel Warwzyniak, directeur des activités RH du Groupe Hopps.
Premier témoignage, celui d’Engie IT, un secteur dans lequel les compétences sont pointues et se renouvellent très vite sans qu’on ne soit en capacité d’anticiper les besoins de demain. La stratégie recrutement d’Engie IT s’appuie sur différents leviers : d’abord, les opportunités et le réseau qui permettent de faire entrer dans l’entreprise des collaborateurs sans attendre les 150 jours moyens du process de recrutement. Ensuite, un sourcing très amont rendu possible par des interventions régulières au sein de grandes écoles informatiques pour identifier des profils et faire connaître l’entreprise. De plus en plus également de recrutements sont faits via l’international ou encore en favorisant la reconversion de certains profils dans les métiers informatiques et numériques. Pour finir, le travail en partenariat avec les équipes chargées de gérer les achats de prestations intellectuelles et de staffer les équipes IT en prestataires qu’ils s'agissent de free-lance ou de salariés d'ESN (ex SSII), complète la stratégie de recrutement d’EngieIT.
Autre exemple, celui de SpieBatignole qui pour faire face à un plan de recrutement ambitieux s’appuie sur la marque employeur : rendre l’entreprise plus visible et faire la différence pour recruter, telle est l’approche co-construite entre RH et métier que décrit Virginie Flore. Une démarche qui s’appuie sur différentes actions :
- la création de communautés de pratiques pour désilloter l’organisation, encourager l’intergénérationnel ou encore le partage des savoirs,
- la mise en place d’une plateforme de cooptation qui permet aux salariés de solliciter leur réseau pour les postes ouverts,
- le recrutement via des vidéos de présentation pour l'attractivité de la candidature,
- et enfin, la mise en place d’un réseau d’ambassadeurs salariés chargés d’échanger avec les candidats potentiels sur les réseaux sociaux notamment.
« Afin de réussir des objectifs importants de recrutement, créer une communauté dans un climat de confiance en incluant les collaborateurs est plus important que l'outil lui-même. Peu importe les outils, qu'ils soient digitaux ou non... il faut qu'il corresponde au besoin de la communauté » ajoute Virginie Flores.
L’expérience d’Axa sur le développement de la marque employeur du groupe d’assurances est également exemplaire : Muriel Nicou nous rappelle en préambule que la marque employeur est l’affaire non seulement des RH et du recrutement mais aussi des équipes opérationnelles et qu’elle contribue à l’image de marque globale de l’enseigne. Même si Axa semblait déjà un employeur de grande notoriété pour des candidats potentiels, de nombreuses actions ont été menées : en amont auprès des prospects, les classiques présences dans les forums, dans les écoles, puis une refonte complète de l’expérience candidat sur le site corporate en s’appuyant notamment sur la méthode des persona pour définir les parcours les plus efficaces et éviter aux nouveaux candidats les 32 clics qu’il fallait avant pour déposer son CV en ligne. Autre exemple : la mise en ligne d’un blog dédié à l’entreprenariat, dans une logique d’inbound marketing pour faire venir à l’entreprise des candidats potentiels captés par le contenu. Qu’il s’agisse de la présence sur les réseaux sociaux comme de toutes ces actions, elles sont toutes pilotées : Business Intelligence, dataviz, suivi des analytics, … rien n’échappe à l’équipe Marque Employeur. Pour finir, Muriel Nicou ajoute qu’il ne faut pas négliger l’on-boarding des nouveaux embauchés, l’expérience collaborateur au quotidien ni même le off-boarding des collaborateurs qui peuvent continuer à promouvoir ou non la marque quand ils ont quitté l’entreprise.
Dernier témoignage de cette table ronde, celui du Groupe Hopps. Spécialiste de la logistique e-commerce et de la distribution de courrier, le groupe emploie de nombreux collaborateurs à temps partiel et du fait de la précarité engendrée par ce type de contrat de travail ne parvenait pas à les fidéliser. En effet, pour les 5 millions de salariés en temps partiel, ce temps partiel est subi pour la moitié d’entre eux. L’idée d’occuper le temps non travaillé et de proposer d’organiser le cumul de CDI en temps partiel a donné naissance à l’application Job Hopps. Elle permet à des salariés en temps partiel de trouver de nouvelles missions pour compléter leur temps de travail. Une innovation qui a permis au Groupe non seulement de contribuer à lutter contre la précarité de ses salariés et de ceux de ses entreprises partenaires mais également de lutter contre le turn-over. En moyenne, celui-ci a diminué de 25% et a permis en un an la création de 15 000 CDI ! Une initiative qui a reçu le Prix DRH numérique 2018 de l’ANDRH.
Au cours de cette table ronde, différents invités sont intervenus pour questionner les intervenants. Laurent Grandguillaume, ancien député et président de l’association Territoire Zéro Chomeur de longue durée a notamment pointé les personnes « ignorées » car non inscrite au Pôle Emploi et qui constitue un vrai enjeu pour les territoires, que les RH doivent pouvoir identifier : il nous invite à penser la marque employeur sous l’angle territorial.
Autre débat : celui de la réalité versus les bonnes intentions : ainsi, malgré les bonnes volontés en recrutement, les hardskills sont souvent regardées avant l’évaluation des softskills. Dispose-t-on aujourd’hui des outils fiables pour les évaluer ? Selon Ingrid Bianchi, fondatrice du Think-Tank Out of the box, il faut travailler sur la singularité de chacun : « Sortons des diplômes, pensons médiation et pluri activité. Prenons en compte la diversité des profils, travaillons sur l’inclusion des collaborateurs dans l’éco-système territorial, prenons en compte les engagements extra-professionnels, culturels ou associatifs,… », encourage-t-elle. Également invité de l’événement, Yves GrandMontagne, président du LabRH, a rappelé que les RH ont à adopter de nouvelles façons de recruter : inbound marketing, marketing Rh, … De nouvelles méthodes qui ne sont pas non plus sans consequence sur les activités des équipes RH, qu’il faut aussi accompagner dans les transformations de leur métier : « La pédagogie est nécessaire sur toute la ligne RH et managériale, précise Muriel Nicou d’Axa, pour que les équipes RH puissent transformer leur propre pratique ». Aline Scouarnec, professeur des universités à l’IAE de Caen et coordinatrice de l’étude ANDRH 2017 sur les 7 scénarii prospectifs pour la profession ajoute que ces témoignages mettent en exergue les scenarii étudiés en 2017 et particulièrement le RH animateur de communautés.
Formation et gestion des talents se conjuguent aussi au féminin
La table ronde suivante rassemblait les intervenants autour de la gestion des talents : Patrick Bonneau, Directeur de la transformation et DRH chez GRDF, Magali Noe, Chief Digital Officer chez CNP Assurances, Corinne Galichère Academy Director chez Vinci et Soumia Malimbaum, directrice associée du cabinet Keyrus.
Première entreprise à témoigner, GRDF rencontre depuis longtemps un enjeu important autour de la féminisation de ses métiers. L’entreprise a donc mis en place un dispositif orienté sur le développement des talents féminins et s’appuyant notamment sur les référents RH mais également sur une marraine au COMEX pour chaque collaboratrice du programme, de la formation et de l’accompagnement.
Vinci a également mis en place un programme pour développer le leadership des femmes (et des hommes !) et faire évoluer les mentalités : le dispositif touche toute l’entreprise, et pas uniquement les femmes : diagnostic, formation, mentorat, … 6 mois après son lancement, l’entreprise a réalisé une étude d’impact pour voir si le discours sur les talents au féminin avait évolué au sein du Groupe.
Soumia Malimbaum, associée chez Keyrus et également en charge de la commission formation du Syntec, témoigne de l’expérience de Keyrus en matière de formation avec la mise en place d’une plateforme dédiée disponible 24H/24 pour permettre aux collaborateurs d’être pleinement acteurs de leur avenir professionnel et de cultiver leur employabilité.
Enfin, la table ronde s’achève avec le témoignage de CNP Assurances : selon Magali Noé, la transformation que vivent nos entreprises est avant tout culturelle. On demande aux managers d’être agiles, ouverts, customer-centric et dans l’action : comment faire, sinon apprendre en le faisant ! C’est ainsi qu’est née la start-up Youse dont Magali Noé est elle-même CEO aujourd’hui. Une expérience intrapreunariale couplée avec la démarche Open CNP d’investissement dans des start-up : "En matière de transformation culturelle, les collaborations avec des startups sont extrêmement formatrices !", explique Magali Noé, tout en insistant "sans les managers rien n’est possible ! "
Cette table ronde sur le sujet de la formation est aussi l’occasion de débattre sur la nécessaire ré-intermédiation de la formation : les plateformes et les modalités sont nombreuses et la nécessité de se former tout au long de sa carrière professionnelle incontournable : l’un des enjeux d’aujourd’hui pour les salariés est de réussir à se repérer et de savoir quoi picorer dans le « buffet » de la formation ... Une formation nouvelle génération qui ne doit pas non plus renier sa dimension humaine, rappelle Charles-Henri Besseyre des Horts.
Environnement de travail, remettre l’humain au cœur …
Environnement de travail, physique, digital, prenant en compte l’éclatement géographique, le nomadisme, la multidisciplinarité des équipes,… Pour cette dernière table ronde, Malika Bouchehioua DRH chez Derichebourg Multiservices, Jérome Friteau DRH à la CNAV et Pierre Alouges, leader de transformations à la Société Générale sont les témoins du RRH Day.
On commence par évoquer la dématérialisation des services RH chez Derichebourg Multi-services où les collaborateurs sont peu présents dans les murs de l’entreprise et exercent leurs activités chez leurs clients, entreprises et collectivités. « L’enjeu pour nous était de pouvoir toucher tous les collaborateurs », explique Malika Bouchehioua. Avec un portail RH qui répond à tous les besoins les plus basiques et accessible directement par smartphone, déployé auprès de 100% des collaborateurs, le rattachement des RRH aux métiers opérationnels, la mise en place d’un SAV RH ou encore d’une formation numérique en partenariat avec Simplon, l’entreprise souhaite miser sur la proximité RH et la communication face à la dispersion géographique des équipes.
Ensuite, on partage le retour d’expérience de la CNAV sur la mise en place du télétravail, un projet pensé globalement pour permettre plus de décloisonnement et de collaboration dans l’entreprise. Le cadre du télétravail d’abord a été clairement posé mais c’est surtout son accompagnement qui est notable : formations, mise en place d’un « e-lab » véritable programme de mentorat interne sur l’usage des outils numérique, usage du réseau social d’entreprise pour faciliter les échanges à distance… autant d’actions qui ont permis de rendre ce projet porteur de sens pour les collaborateurs de la CNAV mais aussi d’encourager le décloisonnement et la collaboration en interne. Nouvelle étape pour la CNAV, lancer des expériences d’intrapreunariat. Cependant Jérome Friteau le DRH se dit attentif aux effets de mode sur ces sujets, qui ne doivent être déployés sans prendre en compte la culture et le contexte humain de chaque organisation.
Sur cette thématique du télétravail, certains intervenants prônent une approche moins cadrée. Ainsi, Philippe Raynaud, de l’éditeur PeopleDoc nous interpelle : « le télétravail existe depuis que le TGV existe ! Aux US, Starbuck est sans doute le lieu où l’on travaille le plus ! » Certes le télétravail est une tendance de fond, rendue possible par les outils numériques, mais elle n’est pas encore une réalité pour toutes les entreprises...
Pierre Alouges leader des Transformations mais aussi président du CHS-CT à la Société Générale nous parle de l’expérimentation menée au niveau de sa direction. Elle s’appuie sur les modèles de l’holacratie au plan organisationnel et de l’encouragement de l’expression du leadership au plan individuels. Au quotidien, cela se traduit par exemple par des entretiens professionnels revisités et du feed-back en continu et à 360 degrés encouragés. Autres concrétisations : on sort de la logique de problème pour valoriser les solutions, ou encore de la logique de poste pour valoriser les rôles… Il voit également dans le cadre de cette expérimentation l’usage du réseau social d’entreprise comme entrepôt partagé du travail de chacun, qui contribue à la fluidification des échanges, à la capitalisation, et bien sûr à la collaboration ... Une approche globale qui permet aux collaborateurs d’être davantage acteurs de leur progression professionnelle indique Pierre Alouges.
Éric Singler, président de BVA Nudge, invité de cette dernière table ronde, nous apporte l’éclairage des sciences cognitives sur les nouvelles formes de travail : il met notamment en avant le fait que si les grandes entreprises du CAC40 se targuent de mettre l’humain au cœur de leurs préoccupations, ce n’est pas le ressenti des collaborateurs de ces structures, qui sont, selon l’apport des sciences cognitives, beaucoup plus sensibles au sens que leur procure leur travail, à l’esprit de camaraderie qui peut régner dans un service ou encore aux engagements sociétaux de l’entreprise.
En conclusion, les intervenants de cette table ronde nous donne la « permission d’essayer » pour reprendre l’expression de Pierre Alouges. Test&learn, corporate hacking, nouvelles expérimentations... : les collaborateurs vont-ils renverser la table, les RH seront-ils les acteurs audacieux de ces transformations et de ces « new ways of working » ?
Je n’ai malheureusement pas pu assister à l’ensemble de la journée, aussi ma synthèse ne pourra pas être complète… je retiens toutefois de cette riche journée, le mot de Lionel Warziniak d’Adrexo, « le DRH de demain sera celui de l’engagement et de la transformation »… Christelle Lambolez, fondatrice de Jobsferic nous a promis la sortie d’une série de livres blancs suite au RRHDay, je suis impatiente de lire tout ça … Pas vous ?
par Gaëlle Roudaut