[Event] Quand le slashing s'invite au salon SME

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Pour la première fois, le 26 septembre 2023, le salon SME co-organisait avec Marielle Barbe, autrice slasheuse et coach et Teddy Travert fondateur du groupe Thact, une après-midi dédiée au phénomène du slashing, autrement appelé en français : la multi-dimensionnalité professionnelle. Artiste et consultante, salarié et commerçant, fonctionnaire et permaculteur, le slashing qui était évalué en 2015 à 16% de la population active, compterait en 2022 26% de professionnels, dont pour 96% d’entre eux, ce serait un véritable choix professionnel. Dans l’optique de continuer à promouvoir ces profils protéiformes, multi-activités, multi-clients ou multi-statuts, notamment auprès des institutions et des entreprises pour lesquelles ils peuvent représenter une manne de talents mais aussi pour fédérer les slashers qui souffrent parfois de la solitude et de la difficulté de ne rentrer dans aucune case, Marielle Barbe et Teddy Travert annoncent la création d’un Observatoire national du slashing. Que fallait-il retenir de cet après-midi dédiée aux travailleurs multi-casquettes ?

Plusieurs activités mais une raison d'être

Marielle Barbe a ouvert la première la série de conférence autour du thème de la raison d’être des slasheurs. Rappelant que ces profils construisent leur vie professionnelle de façon plutôt organique et itérative, leur enthousiasme pour l’apprentissage et le développement de nouvelles compétences leur fait parfois du tort dans un monde du travail où l’on valorise l’expertise et les parcours professionnels linéaires. Elle rappelle que le slashing n’est pas une affaire de génération Y et que l’histoire a, par le passé, valorisé ces profils, appelés polymaths et dont Leonard de Vinci est sans doute l'un des plus éminents représentants. Confrontés au besoin d’innover et de se transformer, les organisations commencent à regarder du côté des profils atypiques… mais ce faisant, être atypique risque de devenir la norme ! Une bonne nouvelle pour ceux qui slashent depuis toujours ? Si l’on continue à demander à nos enfants dès 5 ans ce qu’ils voudraient faire plus tard, de nombreuses études, de l’OCDE en passant par Pole Emploi, confirment le fait que les moins de 30 ans feront en moyenne entre 13 et 15 activités dans leur vie professionnelle en cours ou à venir… Marielle Barbe propose aux slasheurs de s’éloigner de la notion de vocation (emprunte de spiritualité) ou de mission (trop lourde à porter) pour aller vers celle de raison d’être, comme le fil conducteur qui relie toutes les activités, tous les slash, et permet enfin de répondre à la fameuse question « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? », souvent très épineuse lorsqu’on cumule différents emplois ou casquettes. Et pour trouver cette raison d’être, celle qui fait que l’on se lève le matin, quelle que soit l’activité que l’on mène, Marielle Barbe invite à regarder du côté de l’ikigaï, cet outil importé du Japon, de la petite île d’Okinawa dont les habitants ont la plus longue espérance de vie : quels sont vos dons, appétences et compétences et de quoi le monde a besoin ? Quatre questions à se poser, sans pression, pour tirer le bon fil et arrêter de s’éparpiller dans ses activités, pour ancrer sa raison d’être et donner du sens à la multiplicité de ses expériences et de ses talents.

Un business plan toujours en mouvement

La parole a ensuite été confiée à Ludovic Feher, co-fondateur de Moze, qui pose la problématique d’élaborer un business plan lorsqu’en tant qu’entrepreneur, on slashe entre plusieurs activités professionnelles. Il invite à découvrir l’effectuation (si le sujet vous intéresse, j’en parle à deux reprises sur ce blog), à faire avec ce que l’on a, à parler de sa passion et recueillir l’aide de ses proches, à saisir les opportunités… Il invite également à se demander ce que l’on aime et, comme Marielle Barbe avec l’ikigaï, de quoi les gens ont besoin ? La seule limite c’est soi. « On ne risque rien à ne pas réussir » alors pourquoi se priver d’essayer, confie-t-il. Cela n’empêche pas de se fixer des objectifs, mais à condition que ceux-ci soient SMART, que ce soit sur une activité ou une cible en particulier. Il rappelle qu’il n’est pas possible en tant que slasheur d’avoir une réussite totale sur toutes les facettes de ses activités, donc bâtir des indicateurs simples et efficaces sur chaque activité et observer comment ils évoluent dans le temps est un bon moyen de piloter sa multi-activité. Un indice toutefois : la bonne vieille loi de Pareto qui doit rester la règle : 80% des revenus obtenus par 20% du travail. Il invite aussi les slasheurs à prioriser leurs activités avec la matrice d’Eisenhower : « Parfois on fait parce que c’est sympa, mais c’est pas urgent ni important et c’est là justement qu’on ne devrait pas perdre son temps », précise-t-il. Le business plan d’un.e slasher.euse doit forcément être vivant pour s’adapter aux nouvelles envies, aux nouveaux projets, à l’agilité du slasher qui capte sans cesse de nouvelles opportunités. Il doit intégrer la formation en continue : « la passion n’empêche pas la formation et c’est un bon remède pour éviter le syndrome de l’imposteur en apportant de l’assurance et en permettant une meilleure monétisation des compétences acquises », ajoute Ludovic Feher. Enfin ce business plan doit prendre en compte les risques : en tant que slasher, il y a toujours une base, une activité qui sécurise les revenus, cela autorise à explorer à côté d’autres territoires moins connus, qui ne sont pas rentables tout de suite. Enfin, ce business plan est le reflet des choix personnels, valeurs et objectifs que s’est fixé le ou la slasheur.euse : qu’attend-on de telle ou telle activité ? est-ce bien aligné avec nos valeurs personnelles ou notre environnement familial : « Des choix qui ne sont pas alignés sont tout de suite perçus par les potentiels clients », alerte Ludovic Feher.

La joie pour guide et un slashing assumé

Et c’est exactement le sens de l’intervention suivante, de la pétillante slasheuse Hélène Picot, dont la conférence s’intitule « Comment se présenter et se vendre ? ». Avec humour (« faites ce que je dis pas ce que je fais » 😉), elle rappelle que présenter tous ces slash n’est pas la meilleure stratégie, que cela peut sembler décousu voire synonyme d’instabilité dans une société où la norme reste un métier pour toute la vie professionnelle. Hélène Picot invite à assumer pleinement le fait d’être slasheur, d’en être fier.e, sans quoi notre interlocuteur sent chez nous le doute : « Pour se vendre, un bon produit/service et des techniques, ça ne suffit pas, c’est sur la bonne posture, la bonne estime de soi et la bonne énergie que tout se joue. Assumez sa multipotentialité permet d’arriver en position haute et aussi d'affirmer notre valeur. On ne peut pas gagner de l’argent quand on doute de sa valeur » ajoute-t-elle, en nous proposant de chercher quel est le besoin de l’autre pour voir comment on peut y répondre avec notre fil conducteur de slasher. Du côté des techniques de vente aussi, Hélène Picot nous invite à nous écouter : « Quand on commence à faire du phoning, du démarchage, qui nous crève, c’est contreproductif car on a une mauvaise énergie et on finit par développer une mauvaise estime de soi. Donc recentrons-nous sur ce qui nous fait vibrer : l’écriture d’un blog ? parcourir les salons et networker ? … pour cibler ce qui nous plait que ce soit dans nos slash, dans nos façons de fonctionner et de vendre ! » explique-t-elle. Et de conclure : « On a le droit de travailler et de kiffer : la bonne voie c’est là où il y a de la joie ! »

Le digital au service de la multiactivité

Mickaël Vigreux est responsable commercial salarié à l’AFNIC, mais aussi speaker pour réussir-en.fr sur les salons dédiés à l’entreprenariat. C’est donc tout naturellement qu’il vient partager ses tips pour mettre le digital au cœur de notre stratégie commerciale en tant que slasheur.se. Il propose d’abord de travailler sur les persona de nos clients cibles : quels sont leurs rêves, leurs problèmes, leurs objectifs … ce sont autant de mots clés qui référenceront notre futur site web. Mais attention pas de site vitrine que l’on ne fait que regarder, mais un site qui sert à vendre, « qui bosse toute l’année », avec du contenu, livres blancs, newsletters… et un objectif SMART évidemment ! Avec humour, Mickael Vigreux nous enjoint également d’arrêter de faire de la pub aux autres avec nos adresses mail Gmail, Yahoo, Orange etc. Dix minutes et 10€ suffisent pour avoir une adresse mail à son propre nom !

Quant aux contenus du site, ce sont tout simplement les réponses aux questions que se posent les potentiels clients : « Parle de tes produits tes clients partiront ; parle de tes clients tes produits partiront ! » rappelle-t-il, précisant que la popularité d’un site se gagne avec des liens entrants : la combinaison billet de blog + post sur un réseau social + ajout dans la newsletter contribuant à construire ce référencement. Pour finir, ne pas oublier d’exploiter GoogleMyBusiness qui participe à 15% du référencement de notre site web, et sur lequel, astuce suprême, on peut même écrire sa FAQ soi-même !

Multi-casquettes, multi-statuts

Monique Sentey, déléguée générale de l'Union des Auto-Entrepreneurs, est venue parler des statuts. Une gageure quand il s’agit de cumuler des activités qui peuvent conduire à être à la fois salarié/autoentrepreneur/artiste … avec autant de portails URSSAF correspondants ! « Il n’y a pas de chemin tout tracé, explique Monique Sentey, le cadre offre de la liberté mais nécessite de bien réfléchir en termes de prévoyance et pour le cas où on ne peut plus travailler : on peut cumuler plusieurs statuts en fonction de ses activités, et réfléchir au temps passé par activité et aux revenus générés par activité ». Pour Monique Sentey, le portage n’est pas forcément l’option la plus adaptée au slashing (si par exemple on est porté pour une activité qui génère un faible montant de chiffre d’affaires). Elle invite à ne pas s’enfermer dans un statut : s’il n’y a pas de statut juridique propre au slashing, il y au contraire plein de possibilités en fonction des activités !

Le slashing, une réponse aux défis planétaires ?

Pour Teddy Travert, fondateur du groupe Thact, qui finit cette série de conférences, les slasheurs.euses peuvent jouer un rôle dans la transition écologique et sociale : « aujourd’hui, l’humanité n’a plus besoin de taylorisme ni d’ingénieurs experts, mais au contraire de profils généralistes multi domaines qui peuvent comprendre les enjeux systémiques de notre monde » introduit-il. Dans une économie qui sera décarbonée, de nombreux emplois vont disparaître tandis que d’autres vont émerger …et pour faire face à ces bouleversements de masse, il est urgent non seulement de repenser les formations, mais aussi d’encourager les reconversions ou encore l’adaptation des temps de travail pour permettre la multi-activité : « pour créer des emplois demain, créons des employeurs, qui sont les indépendants aujourd’hui », insiste Teddy Travert qui voit dans le slashing un levier de transition. « Tout changement commence par un alignement : notre force en tant que slasheur, c’est d’apprendre rapidement, mais dans ce contexte, c’est aussi notre humilité face au changement, notre vision globale, notre adaptabilité et notre créativité » ajoute-t-il. Il invite chacun à s’interroger sur ses besoins : en terme de sens (raison d’être/ ikigaï), en termes d’argent (sobriété / sécurité financière) ou encore de diversité (d’apprentissage / vision systémique de l’activité). Différents modèles de slashing sont possibles pour se rendre utile dans un monde en décroissance et continuer à développer sa résilience. Tout en gardant l’état d’esprit de Socrate qui sait qu’il ne sait rien, Teddy Travert nous rappelle que nous avons tous un rôle à jouer pour permettre à chacun.e de se déployer dans sa multi-dimensionnalité professionnelle et pour répondre à nos besoins et aux besoins du monde.

 

Je n'ai malheureusement pas pu participer à la dernière table ronde sur le slashing et le futur du travail, mais ces conférences m'ont inspiré de l'optimisme quant à l'avenir du slashing et sa reconnaissance dans le monde professionnel, et de l'enthousiasme aussi quant au fait de développer mes multiples activités pour contribuer aux nombreux défis que le monde a à relever.

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