A l’aune de la révolution digitale, le monde du travail est en profonde mutation… Si le salariat et le CDI sont encore la « norme », comme des symbôles de l’Histoire sociale et syndicale française, de nouvelles formes de travail émergent avec le numérique. Non seulement le travail à distance et le télétravail mais aussi de nouvelles configurations telles que le portage salarial, les coopératives d’activité, la micro-entreprise, ou encore le slashing, …
La France compte ainsi près de 2,8 millions d’indépendants, ou de travailleurs non-salariés, selon le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFIPS). 1,1 millions sont autoentrepreneurs et réalisent un chiffre d’affaires trimestriel moyen de 3 500€. Derrière ces chiffres se cachent une réalité très diverse : professions intellectuelles, métiers du web, créatifs, artistes … mais aussi chauffeurs VTC, livreurs à vélo, concierges de location d’appartement, … de nouveaux métiers qui incarnent le phénomène « d’ubérisation » et la montée en puissance de la gig économie, ce retour d’un travail rémunéré à la tâche, souvent synonyme de petits boulots mal payés et de paupérisation.
Le travail indépendant peut aussi compléter une activité salariée pour accroître ses revenus ou pour donner un sens à sa vie professionnelle qui n’est plus trouvé dans l’entreprise. On peut alors parler de « slashing », en référence au signe / slash en anglais. Ainsi, selon l'Insee, 80% des « slashers » cumulent plusieurs emplois salariés chez des employeurs différents, et quelques 500 000 exercent une activité en tant qu'indépendant, en plus d'un poste salarié (voir l’article du Figaro). La pluri-activité, autrement appelée « slashing » donc, existe depuis longtemps mais elle est en pleine recrudescence ces dernières années. Des données plus récentes issues d’une étude du Salon de la Micro-entreprise à l’automne 2016 chiffrent ainsi les slashers à 4 millions en France.
Cette étude montre que le slashing est le plus souvent choisi et répond à un besoin d’accomplissement de soi, de conciliation travail et passion, ou encore d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée amplifié par l’impression de surconnexion. Le manque de reconnaissance perçue dans l’entreprise dont la culture managériale ne cadre pas toujours avec le besoin d’autonomie des collaborateurs, peut également être une motivation à devenir slasher, pour donner du sens à sa vie professionnelle et plus de place à sa créativité. Dans certaines entreprises qui développent des programmes d’intrapreneuriat, l’octroi de temps pour travailler sur son propre projet à côté de sa mission habituelle peut constituer une belle opportunité de slasher « en toute sécurité ».
Par ailleurs, le développement des plateformes de crowdsourcing et de compétences (malt, kang, la crème de la crème, …) incarne ce nouveau paradigme de la flexibilité : celle de l’indépendant ou du slasher qui a choisi cette liberté mais aussi celle de l’entreprise qui le missionne, à la recherche d’une main d’œuvre immédiatement disponible, qualifiée et à moindre frais.
Multi-casquettes, multi-appartenant, multi-rôles, serial zapper, hyperactif, boulimique de projets, multi-potentiel, … bien des qualificatifs caricaturent les pluri-actifs ! Un autre raccourci que celui de penser que le phénomène est réservé aux membres de la genY. Au contraire, les portraits de slasheurs présentent bien souvent des personnes en 2e partie de carrière qui combinent passion et travail voire envisagent par là une reconversion professionnelle.
N'est pas slasher qui veut...
Les témoignages des slasheurs sont souvent éloquents sur les qualités d’organisation nécessaires à la pluri-activité. Ainsi, parmi les bonnes pratiques pour combiner plusieurs vies professionnelles en une, on peut retenir celles :
- De se donner des objectifs concrets sur ces différentes activités afin de ne pas dilapider son énergie, de rationaliser ses choix entre passion et raison, entre les attendus (financiers, personnels, …) et les moyens ;
- De gérer son temps, en minutant/pointant son activité pour évaluer combien de temps est passé à tel ou tel projet, en utilisant des techniques simples comme le fameux Pomodoro... Ce qui signifie aussi de savoir faire des pauses et d’octroyer à son cerveau des respirations et en particulier pour qui slashe entre des activités intellectuelles ;
- De savoir se focaliser sur l’activité exercée, évitant de penser à ce que l’on doit faire par ailleurs pour son autre métier : être à ce qu’on fait, pour bien le faire, vraiment … ce qui n’est pas toujours simple quand la charge mentale liée à la pluri-activité est importante !
- De faire de la veille, se former, cultiver sa curiosité et sa créativité, qui sont souvent une source d’énergie pour le slasher ;
- De networker, cultiver son réseau, rencontrer de nouvelles personnes qui vont à la fois permettre de s’aérer mais aussi de faire des ponts entre ses activités, d’appliquer en quelque sorte le principe de sérendipité à sa vie professionnelle ;
- D’être prévoyant, pour anticiper les galères et les coups durs, d’un carnet de commande moins rempli ce mois-ci aux aléas administratifs qui peuvent se multiplier par autant d’activités !
A ces bonnes pratiques, j’ajouterai aussi de s’appuyer sur des outils en ligne. Le digital nous offre des quantités de possibilités, d’applications, d’outils gratuits pour s’organiser. Par exemple, rien de tel pour un slasheur que d’utiliser un « bullet journal » digital (avec Evernote ou OneNote) pour lister ses tâches à court-terme, les activités récurrentes (tous les jours, toutes les semaines, tous les mois), mais aussi ses idées à long terme et reporter ensuite les créneaux récurrents dans son agenda online. Le slasheur peut aussi s’appuyer sur les outils de to-do list (que l’on peut ensuite partager ou non), de Trello, à Google Keep ou Sticky notes, les outils ne manquent pas… Pour poser ses idées, faire des liens entre ses projets et favoriser ce que la coach Sylvaine Pascual appelle « l’hybridation de projets », les outils de mindmapping, comme Coggle ou Mindmeister seront de vrais alliés ! Enfin, parce que le temps est précieux pour un slasheur qui n’a pas forcément envie de travailler 90H par semaine, s’appuyer sur des outils de productivité comme Buffer ou IFTT par exemple pour gérer ses communications sur les réseaux sociaux, ou encore comme Feedly ou Netvibes pour suivre sa veille facilement, peut être très utile !
Slasher, c’est l’expérience que je tente, en gardant un pied chez Arctus pour continuer à accompagner nos clients dans leurs projets collaboratifs, et en développant d’autres activités autour de mes sujets passion : la formation, l’écriture et le théâtre…
N’est pas slasheur qui veut, mais comme le dit l’expression « 100% des gagnants ont tenté leur chance ! ».
Quelques sources qui m’ont inspiré pour aller plus loin :
- Le Figaro - "Qui sont les slashers, ces français qui cumulent plusieurs jobs" (31/08/2016)
- Le nouvel Obs - "Ils ont plusieurs métiers : slasher, mode d'emploi" (02/11/2015)
- L'express - "Ces trentenaires qui cumulent des jobs"
- Madame Le Figaro - " Slashers : plusieurs métiers pour la carrière de leurs rêves"
- Challenge - "Qui sont les slashers, ces millions de français qui cumulent les jobs ?"
- Studyrama - " Etre slasher : un modèle de travail qui progresse "
- Le Blog de Miss MOOC - " Travailler autrement : interview d'une slasheuse néorurale "
- Ithaque Coaching - Le Blog de Sylvaine Pascuale - " Reconversion professionnelle, les bénéfices et limites du slashing "
- Ouvrage : "Professions slasheur" de Marielle BARBE
par Gaëlle Roudaut